Attention vous allez avoir peur !
Petite démonstration émotionnelle !
il est intéressant ici de s’intéressé
aux liens entre la perception sensorielle
et l’interprétation cognitive du cerveau limbique
on souligne notamment a quel point il est curieux
que l’expression facial influence les neurones miroir.
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Transcription: Claire Ghyselen
Relecteur: eric vautier
(Voix stridente) Aaaaaaah !
Avez-vous eu peur ?
Tant mieux.
Ainsi je pourrai vous expliquer
ce qu’il se passe quand vous avez peur.
Vous pouvez avoir une augmentation
de votre fréquence cardiaque.
Peut-être avez-vous sursauté.
Vous aurez peut-être orienté votre regard
pour déterminer d’où venait ce cri.
Ou encore, cela aura pu avoir
provoqué des changements
dans vos expressions
corporelles ou faciales.
Alors, à quoi servent tous ces réflexes ?
Le mot « émotion » vient
de « emovere » en latin,
ce qui nous met en mouvement.
Et du coup, un état émotionnel
va changer vos prédispositions
à percevoir et à agir
de la façon la mieux adaptée
à une situation.
Prenons l’exemple
de l’expression faciale de peur.
Il a été montré
que cette expression faciale
va permettre non seulement
d’augmenter notre champ visuel
pour mieux percevoir
ce qu’il se passe à la périphérie,
mais aussi d’augmenter notre volume nasal.
Face à un danger,
nous avons besoin
de comprendre ce qu’il se passe
et justement, cette expression faciale
va nous permettre d’acquérir
plus d’informations sensorielles
sur notre environnement.
Mais est-ce le cas pour toutes
nos expressions faciales ?
Non.
Si nous prenons l’exemple du dégoût,
c’est l’inverse.
Il s’agit pourtant aussi d’un danger
mais d’une tout autre nature.
Du coup, l’expression faciale du dégoût,
contrairement à celle de la peur,
va permettre de fermer
tous mes canaux sensoriels –
la bouche, le nez, les yeux –
afin de me protéger
et d’éviter tout contact entre ce qui
a provoqué cette émotion, le dégoût,
et mon corps.
Les expressions faciales émotionnelles
ont donc une fonction très importante
pour celui ou celle qui les exprime :
l’aider à répondre
à son environnement au mieux.
Avec l’évolution, ces expressions sont
devenues des signaux de communication,
une petite ouverture vers les autres
sur mon état émotionnel.
Un système de communication est un signal
qui transmet une information importante
pour notre interaction sociale
et qui a pour but de changer
le comportement de l’autre.
Mais ce signal, au cours
de l’évolution, n’a pu perdurer
que si l’observateur a la capacité
de décoder cette information importante
mais surtout d’adapter
son comportement en conséquence.
Alors, comment le cerveau
décode-t-il ces signaux sociaux ?
Très schématiquement,
si je vous présente
un objet comme celui-ci,
l’information va être transmise
des yeux au cortex visuel,
en passant par le thalamus.
Et ensuite, cette information va être
transmise à deux voies en parallèle.
D’une part, à la voie ventrale
qui va vous permettre de reconnaître
que cet objet est une tasse.
Et d’autre part, à la voie dorsale
qui va répondre à deux questions :
« Où se situe cet objet
par rapport à moi ? »
et « Comment puis-je l’utiliser ? »
Ce qui est intéressant,
c’est que la simple perception
de cette tasse
va engendrer au sein de votre voix dorsale
la préparation en parallèle
de toutes les actions
que vous pourriez réaliser sur cet objet.
Par exemple, la prendre par l’anse,
si vous avez envie de boire,
ou bien la prendre par-dessus,
si vous avez besoin de la nettoyer.
Notre voie dorsale nous permet donc
d’anticiper en permanence
les interactions possibles
avec votre environnement présent.
Complexifions un peu la scène
et rajoutons-y une personne.
En 1992, on a découvert
les neurones miroirs
au sein de cette même voie dorsale.
Ces neurones ont la particularité
non seulement d’être actifs
quand je saisis cette tasse,
mais aussi quand je regarde
quelqu’un prendre cette tasse.
Pourquoi ?
Eh bien, peut-être non seulement
pour comprendre les actions d’autrui,
mais surtout, pour les anticiper.
Dans cette scène,
si la tasse est près de l’autre,
votre cerveau va anticiper
qu’il a peut-être envie de café
avant même qu’il ait commencé
ou fini son geste.
Du coup, vous pourrez prendre
la cafetière face à vous
et le servir sans avoir à attendre.
Sinon, imaginez la lenteur
de nos interactions.
Alors,
le problème,
c’est qu’il n’y avait plus de café.
Et ce jour-là, votre collègue
avait très mal dormi
et il s’est mis très en colère.
Si mes neurones miroirs peuvent permettre
de comprendre son état émotionnel,
ils ne sont pas suffisants pour répondre
de façon adaptée à cette situation.
La colère va être traitée
par la voie dorsale
pour m’aider à décider quelle action
je dois adopter dans cette situation.
Pour mieux vous expliquer,
on va faire un petit test.
Je vais vous présenter
une scène comme celle-ci,
sur laquelle il y a quatre chaises.
Les deux chaises du milieu sont occupées
et celles à l’extérieur sont libres.
Je vais vous demander de bien
fixer le point rouge au milieu
et de me dire ensuite sur quelle chaise
vous auriez envie de vous asseoir.
On fait un essai ?
Fixez bien le point rouge.
On y va.
Où aimeriez-vous vous asseoir,
à droite ou à gauche ?
OK, on fait un deuxième essai ?
Fixez bien.
Et là ?
Très bien.
Donc, dans le laboratoire, nous avons fait
cette expérience sur plusieurs personnes,
une trentaine.
Mais contrairement à vous,
ils n’ont pas réalisé deux fois ce choix
mais presque 1 000 fois.
Cela nous a permis de montrer
que de façon générale,
les gens vont préférer la chaise
qui permet d’être le plus loin possible
de quelqu’un qui exprime la colère,
alors même qu’ils n’avaient pas
forcément perçu
que les personnages
exprimaient une émotion.
Au niveau cérébral,
la colère va être traitée
très rapidement par l’amygdale,
le centre des émotions,
qui va transmettre cette information
en moins de 200 millisecondes,
c’est-à-dire un cinquième de seconde,
non seulement
à la voie ventrale, pour lui dire :
« Attention, il y a dans l’environnement
une chose importante
qu’il faut que tu comprennes »,
et aussi à la voie dorsale pour lui dire
qu’il va bientôt falloir agir.
Mais il ne s’agit pas de réflexe ici
comme auparavant, avec le cri.
Il s’agit d’une décision
entre plusieurs actions
et en fonction de la situation.
Si je reviens à mon café,
face à la colère de l’autre,
et spontanément, sans vraiment réfléchir,
je peux décider soit de me lever
et de refaire du café,
mais je pourrais aussi décider
de me mettre en colère.
Donc, nos émotions
influencent nos décisions
à tout moment
et souvent de façon inconsciente.
Et cette influence implicite
est une bonne chose
car elle nous permet
de naviguer de façon fluide
dans notre environnement social
qui est complexe
et d’adapter très rapidement
notre comportement.
On peut prendre l’exemple
d’une rue bondée ou pire encore à Paris,
la station Châtelet aux heures de pointe.
Notre capacité à anticiper
les gestes d’autrui en permanence
nous permet de ne pas trop
bousculer les autres
et de ne pas être bousculé
sans vraiment avoir
à réfléchir à nos gestes.
Et en parallèle, notre système émotionnel
va nous permettre d’être vigilant
en détectant à tout moment des indices
qui pourraient mettre à mal notre survie
et en influençant nos décisions.
Alors maintenant, que se passe-t-il
si on est confronté,
non pas individuellement
mais collectivement, à une menace réelle ?
Il existe dans notre société
une idée bien ancrée
selon laquelle, dans ce genre
de situations, les gens vont paniquer.
Et ils vont adopter des comportements
qu’on dit individualistes,
c’est-à-dire pratiquement
aux dépens des autres,
par exemple les pousser,
pour assurer leur propre survie.
Mais cette idée
n’est que partiellement vraie.
Avec Guillaume Dezecache,
nous avons interviewé
des survivants du Bataclan
pour essayer de comprendre
quelles stratégies comportementales
étaient mises en place face à un danger
réel comme ce fut le cas.
Pour cela, nous avons écouté
l’ensemble des interviews
et nous avons codé chaque action
qui avait été réalisée ou vue.
Ce qu’il en ressort, c’est que
les gens ont adopté plus souvent
des comportements pro-sociaux,
d’entraide vers les autres,
que des comportements individualistes.
Donc en situation de menace réelle,
où ma vie est en danger,
il semblerait que les comportements
de soutien social soient maintenus.
Il nous reste encore beaucoup de travail
pour en comprendre la complexité.
Mais j’espère que ce soir,
je vous ai montré que, de façon spontanée,
sans avoir à réfléchir,
on va tout le temps englober
l’autre et ses gestes
dans notre espace d’action
et que nos émotions ou celles d’autrui
participent à part entière
dans nos décisions entre les différentes
actions possibles dans cet environnement,
pas toujours pour notre bénéfice,
mais aussi pour le bien-être des autres.
Merci.
(Applaudissements)
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